La visite officielle de deux jours du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko en Guinée s’est achevée ce lundi 2 juin par un message fort en faveur d’une intégration régionale solide et volontaire. À l’occasion d’un point de presse conjoint avec son homologue guinéen, Amadou Oury Bah, le chef du gouvernement sénégalais a affiché une vision ambitieuse du développement régional, fondée sur la solidarité, la mutualisation des ressources et le dépassement des clivages hérités du passé.
La journée a été rythmée par plusieurs séquences diplomatiques de haut niveau. Après une réunion technique élargie aux ministres sectoriels des deux pays, les Premiers ministres ont été reçus par le président de la Transition, le Général Mamadi Doumbouya, au Palais Mohamed V. Le chef de l’État guinéen a salué l’esprit de cette visite, tout en appelant à une discrétion stratégique dans la mise en œuvre des projets issus de cette dynamique bilatérale nouvelle.
Mais c’est lors de la conférence de presse organisée au Palais de la Colombe que le ton s’est clairement affirmé. Prenant la parole en dernier, Ousmane Sonko a délivré un discours aux accents panafricanistes. Rejetant les logiques d’accords figés ou symboliques, il a prôné une coopération « concrète, complémentaire et intégrée » entre les pays d’Afrique de l’Ouest. « Nous devons faire un saut qualitatif », a-t-il insisté, évoquant notamment l’opportunité stratégique que représenterait une mise en synergie du gaz sénégalais et de la bauxite guinéenne pour renforcer la souveraineté énergétique et industrielle de la région.
C’est dans cet esprit qu’il a lancé un message profond et lucide sur l’interdépendance entre les pays africains. « Je dis tout le temps que je ne connais pas de zone dans le monde où un pays a pu se développer alors que ses voisins sont dans l’extrême pauvreté. Les autres l’ont compris depuis longtemps : les pays du Golfe sont montés ensemble, ils étaient dans les profondeurs ensemble. Les pays d’Europe l’ont compris quand ils ont créé l’ancêtre de l’Union européenne autour du charbon et de l’acier. Après s’être livré à une guerre extrêmement meurtrière, ils ont mis de côté toutes leurs divergences pour se retrouver autour de l’essentiel. Les pays d’Asie l’ont compris. Quand on parle de dragons asiatiques, c’est tous les pays qui sont montés en même temps. La Guinée ne partira pas loin sans le Sénégal, sans la Côte d’Ivoire, sans la Sierra Leone, sans le Mali, sans tous les autres pays. Mais le Sénégal n’ira pas très loin sans tous ces pays, la Mauritanie, la Guinée. Et il nous faut dépasser ce qui semble être des contradictions mais qui n’en sont pas. Et les enjeux que nous devons avoir devant nous sont plus importants que les divergences qui relèvent beaucoup plus de clichés, de malentendus que de réalités. »
À ses côtés, le Premier ministre guinéen Bah Oury avait, lui aussi, souligné l’urgence de repenser les mécanismes de coopération sous-régionale. “Aujourd’hui, il nous appartient, en tant que responsables dans le cadre de la gestion de nos pays respectifs, d’apporter des réponses concrètes à la nécessité absolue de répondre aux défis du sous-développement, aux défis concernant une population largement jeune qui attend énormément des gouvernants, d’où la nécessité d’innover, de réfléchir et de s’inspirer des meilleurs exemples dans le monde pour que dans cet espace sous-régional, nous puissions créer des dynamiques permettant de faire émerger un pôle de stabilité, un pôle de développement, un pôle de fraternité par une intégration réussie de nos économies, de nos institutions et de nos infrastructures.” a laissé entendre le premier ministre guinéen Amadou Oury Bah
Un comité technique conjoint sera mis en place dans les jours à venir pour traduire en actes les engagements pris lors de cette visite. Les deux Premiers ministres ont convenu que cette structure travaillerait de manière discrète mais rigoureuse pour établir des projets pilotes dans plusieurs domaines : énergie, transports, industrie extractive, pêche et éducation.
La visite s’est conclue dans une ambiance fraternelle avec une rencontre improvisée entre Ousmane Sonko et les membres de la communauté sénégalaise de Conakry, rassemblés pour lui témoigner leur soutien. En fin d’après-midi, il a quitté la capitale guinéenne à destination de Freetown, en Sierra Leone, dans le cadre de sa tournée régionale qui l’a déjà conduit à Abidjan.
Par cette étape guinéenne marquée par un discours de vérité et une volonté d’action, Ousmane Sonko et Bah Oury posent les jalons d’un partenariat d’un nouveau genre entre Conakry et Dakar. Un partenariat tourné vers l’avenir, les peuples, et l’unité africaine.
Fatimatou Diallo pour regardguinee.org