La tension est montée d’un cran, à Kankan où se déroulé la Mamaya 2025, lorsque le retour sur scène de Missia Saran Diabaté, affectueusement surnommée « Petit Piment » a été annoncé. Au stade M’Balou Mady Diakité plein à craquer, l’icône de la musique mandingue des années 1990-2000 a renoué avec le public guinéen après une longue éclipse artistique. Ce come-back, chargé d’histoire et d’émotion, a marqué l’un des temps forts de la 85ᵉ édition de cette célébration patrimoniale.
Missia Saran, dont la voix singulière avait en son temps transcendé les clivages générationnels, a une nouvelle fois prouvé que le talent, lorsqu’il est enraciné dans la culture, résiste à l’usure du temps. Réputée pour sa capacité à faire dialoguer la tradition mandingue avec les sonorités modernes, elle avait conquis le cœur des mélomanes à travers des albums devenus cultes, notamment Soron M’ba – Petit Piment (1998) et Angnéwama (2003). Loin des feux de la rampe ces dernières années, l’artiste avait pourtant gardé une place intacte dans la mémoire musicale du pays.
Son apparition sur la scène du stade préfectoral, sous les acclamations d’un public en liesse, a été saluée comme un véritable événement. Drapée dans une tenue traditionnelle brodée de fils d’or, la chanteuse a interprété avec grâce et intensité quelques-uns de ses titres phares. Le moment le plus marquant fut sans doute l’exécution de Titriba, l’un de ses classiques, repris en chœur par une foule transportée par la nostalgie et l’admiration. L’émotion était palpable. Les anciens y retrouvaient les échos de leur jeunesse, tandis que les plus jeunes découvraient une légende vivante de la musique guinéenne.
Au-delà du spectacle, c’est un acte de transmission culturelle et symbolique que Missia Saran a posé. Dans une époque marquée par la quête identitaire et la redécouverte des racines, sa voix résonne comme un pont jeté entre les époques, entre la mémoire des ancêtres et les aspirations contemporaines. À Kankan, haut lieu des traditions mandingues, ce retour n’a rien d’anodin. Il s’inscrit dans une volonté plus large de réappropriation du patrimoine culturel et de valorisation des figures féminines qui ont marqué l’histoire artistique du pays.
La Mamaya 2025, qui avait déjà inscrit de grands noms à son programme, a trouvé en Missia Saran son moment d’apothéose. Son retour a transcendé la simple performance musicale pour devenir un geste patrimonial, un cri du cœur, une offrande à la mémoire collective. Et si la musique guinéenne continue de se réinventer, c’est parce qu’elle sait puiser sa force dans l’héritage de celles et ceux qui, comme « Petit Piment », ont su marier tradition et modernité avec audace et authenticité.
Un retour magistral, à la hauteur du talent intemporel de Missia Saran.
Regards sur la culture guinéenne